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Iti Manawa

Iti Manawa

Les périples océaniques d'Emmeline et Lionel à bord de leur voilier Iti Manawa


L'Atlantique, de l'autre côté !

Publié par Emmeline Moinier sur 3 Mars 2015, 15:37pm

L'Atlantique, de l'autre côté !

Après 21 jours de mer, entre 25 et 30 noeuds de vent dans les Alizés, des vagues déferlantes jusqu'à 6 mètres, nous voilà enfin en Martinique !! épuisant mais ça y'est !! on est de l'autre côté, et maintenant on va profiter ! Merci à tous pour vos petits messages de soutien, bientôt; le blog à jour (ahh, internet..)

Lundi 9 février 2015

On navigue ! En direction des Caraïbes, la traversée de l'Océan, tant attendue s'ouvre enfin à nous, non sans mal !

Nous avons donc passé une semaine à la Marina San Miguel sur l'ile de Ténérife Sud, dont 3 jours suspendus dans une grue ! Finalement, nous avons été chanceux dans notre malheur, c'était inespéré de pouvoir faire fabriquer une telle pièce en inox pour notre safran dans un temps record, moins de 24h ! Finalement, on aurait peut-être dû faire fabriquer notre portique en inox aux Canaries, ça aurait plus rapide et nous aurions pu profiter de la région en prime ! Au final, tout s'est bien goupillé et le fait de ne pas avoir à commander une pièce en Europe nous a fait gagner un temps considérable et sans doute également économisé quelques euros (même si la facture à la fin de la semaine était un peu trop salée à notre goût!).

Iti Manawa remis à flots, il est temps de faire fonctionner notre téléphone satellite Iridium afin de recevoir des informations météo de la part de Jackie durant notre traversée (et pour des questions de sécurité évidentes!). Les sms fonctionnent parfaitement en revanche, pour ce qui est de la connexion Internet, nous réalisons qu'il manque un raccord entre l'ordinateur et le téléphone. Qu'à cela ne tienne, nous voilà donc partis en ville, au grand magasin chinois qui doit surement vendre cette pièce. Que nenni, nous arpentons la ville (à plus d'une heure de marche!) en vain, personne n'a de quoi nous dépanner, le téléphone est trop ancien, il faut commander sur Internet... Nous ne revenons pas complètement bredouilles puisque nous en avons profité pour acheter 5 mètres de toile cirée afin de recouvrir notre annexe arrivés aux Antilles afin de la protéger des forts rayons UV tropicaux... Pascal est impatient de lever l'ancre et d'enfin naviguer, la tension est palpable, de l'excitation mêlée à un peu de stress... Moi je voudrais déjà être arrivée de l'autre côté, finalement, on n'est pas si loin de l'aéroport, je pourrais peut être les devancer grâce à un vol direct... Bon, nous savourons notre côte de porc arrosée d'un vin rouge espagnol qui me rendra malade le lendemain, notre dernier apéro avant 15 jours, pas d'alcool en mer !

Le vendredi 7 février 2015, après avoir transbahuté tout le matériel stocké dans la cabine arrière dans la cabine avant (c'est toujours incroyable de constater tout ce qu'on peut entreposer dans cette petite cabine lorsque tout est en vrac sur le pont), nous voilà partis en direction du bar de la Marina afin de récupérer un dernier fichier Grib qui déterminera notre route. Pas de bol, une dépression sans vent file droit dans notre direction, nous espérons l'éviter, on verra bien en cours de route. De toutes manières, on a trop attendu et les conditions idéales ne se profileront pas tout de suite alors, un bon hamburger face à la mer et voilà, nous prenons la route vers le Sud.

Nos dernières heures sur terre et nos premières heures en mer, direction les Antilles !
Nos dernières heures sur terre et nos premières heures en mer, direction les Antilles !Nos dernières heures sur terre et nos premières heures en mer, direction les Antilles !Nos dernières heures sur terre et nos premières heures en mer, direction les Antilles !
Nos dernières heures sur terre et nos premières heures en mer, direction les Antilles !Nos dernières heures sur terre et nos premières heures en mer, direction les Antilles !

Nos dernières heures sur terre et nos premières heures en mer, direction les Antilles !

Je suis à la barre, Pascal prend ses marques avec le bateau, je respire une dernière fois l'air de la terre que nous ne foulerons plus pendant les 15/20 prochains jours... Dehors, le vent souffle à plus de 20 nœuds, mais la houle est beaucoup moins formée que lors de notre première traversée entre Gibraltar et les Canaries. Le bateau avance à vive allure et surfe allègrement sur les vagues, le temps est maussade, les nuages sont bas, et ce depuis une semaine que nous sommes aux Canaries... On déroule tout d'abord le génois, nous avançons déjà à plus de 7 nœuds, puis Lionel, fier de son bateau et toujours plus avide de vitesse après cette semaine interminable à terre, décide de hisser la grand voile. Le pauvre Pascal qui souhaitait appréhender le bateau au fur et à mesure, est servi ! Les paramètres et les apprentissages sont nombreux et un peu différents que ceux de son voilier de 7 mètres ! Pas grave, il est là pour ça et lui aussi réalise son rêve ! Les milles sont avalés à pleine balle, je décide d'aller faire à manger, mais je suis un peu patraque... La nuit tombe, et l'angoisse grandit un peu même si je suis vraiment soulagée d'avoir Pascal à nos côtés... Un rapide plat de pâtes, le pauvre Pascal prend à peine le temps de se poser car Lionel décide d'affaler la Grand voile pour la nuit. De mon côté, le mauvais vin de la veille continue de faire son effet, additionné d'un mal de mer grandissant, sans doute un peu lié au fait que ça y'est, on quitte l'Europe vraiment cette fois, pour de bon, on se lance dans une expérience inédite et un peu angoissante, on laisse nos êtres chers pour de bons, on s'éloigne vraiment d'eux... Tout ça un peu mélangé me cloue au lit, je ne sais plus quoi faire : rester dehors à l'air libre ou m'allonger dans le carré... J'alterne donc mon manège une partie de la nuit pendant que les garçons se relaient pour les prises de quart. C'est assez physique car le vent est toujours soutenu et que du coup, la sensation de froid est renforcée. Lionel semble imperturbable, il tient la barre comme à son habitude et rêve de naviguer sur des voiliers de course, un jour !

Le deuxième jour, le soleil refait son apparition, enfin, et ces quelques degrés gagnés sont largement bénéfiques sur notre moral. Pour ma part, je ne suis encore pas tout à fait dans mon assiette et ça m'épuise, je passe mon temps à l'intérieur à somnoler et bouquiner...

Cette deuxième nuit, Pascal m'avoue qu'il est épuisé : le vent n'a pas faibli, pas moyen de relâcher l'attention et l'air de la mer fatigue énormément les premiers jours. Cette deuxième navigation de nuit se fera donc à nouveau sous génoi seul.

Le lendemain, enfin je me sens mieux et je peux barrer à nouveau pour que les garçons se reposent un peu. Un brin de toilette, sous le soleil, c'est agréable ! Le vent tend à baisser un peu, on décide donc de hisser le spi, on avance alors à 5 nœuds, toujours cap au Sud, en direction des Iles du Cap Vert pour tenter d'échapper à cette dépression qui sévit au large. Soudain, Pascal remarque le souffle d'une baleine à proximité du bateau, on aperçoit un petit morceau de dorsale qui fend le dessus de la mer et surtout le grand souffle caractéristique de l'animal au dessus de l'eau. C'est magique et impressionnant, je suis à la fois fascinée et un peu inquiète, un si gros animal si proche de notre bateau quand même...

Bref, la baleine poursuit sa route, au large et nous évite soigneusement, oufff... Il est l'heure de manger, la viande et les légumes font cruellement défaut, j'en ai déjà marre des pâtes alors j'essaie d'alterner avec des céréales, des lentilles, je fais des mélanges, parfois heureux, ou pas !

Cette nuit, je décide de faire mon quart, car les garçons sont bien fatigués. Pascal commence, nous sommes couchés et soudain j'entends des petits couinements, ce sont des cris de dauphins, j'en suis sûre, Lionel se moque de moi et Pascal nous crie que les dauphins sont là ! Je les avais reconnu, j'étais trop fière et trop contente même si on avait du mal à les distinguer dans la nuit noire ! Ça y est, je sais reconnaître l'appel des mammifères marins !

Puis Lionel prend son quart et arrive mon tour. Le vent est complètement tombé, à l'heure ou je monte sur le pont, l'anémomètre indique 4 nœuds de vent réel, le bateau avance à moins de 2 nœuds, on n'est pas rendu à cette vitesse ! Pas grave, je pourrais bouquiner tranquille comme ça, mais le pilote automatique fait un bruit bizarre et pour économiser la batterie, Lionel me demande de barrer un maximum... Bon, je laisse tomber la lecture... J'aperçois soudain un énorme paquebot qui se rapproche dans notre direction, j'ai du mal à évaluer la distance mais je réalise soudain qu'il est à moins d'un mile et qu'il vient dans notre direction. Je change donc de cap pour être sûr de l'éviter...

Mais la frayeur est loin de s'arrêter là... en effet, je pense distinguer le souffle d'une baleine, j'ai du mal à savoir si c'est ma veste de quart qui frotte sur la barre à roue ou si c'est réellement cet énorme mammifère qui rode autour du bateau. Je sors un peu ma tête de ma capuche et là je découvre qu'elle est très proche du bateau... Je suis absolument terrorisée, savoir que cet animal de milliers de tonnes risque à tout moment de sortir (sous la coque du bateau??), et là à juste quelques mètres de moi, madame la baleine émet un souffle énorme et j'aperçois sa nageoire codale qui sort de l'eau, à ce même moment, des petit dauphins se mettent à faire des cabrioles, et soufflent à leur tour ! Je suis tétanisée de peur, j'appelle Lionel à la rescousse, l'ambiance est électrique dans l'eau, on fait l'animation de la soirée, je pousse des petits cris, ça doit les stimuler encore plus... Lionel ne fait que constater que la mer est décidément bien animée ce soir et que le souffle de la baleine s'éloigne peu à peu... Il retourne au lit et je me remets à la barre en essayant de reprendre mes esprits, les dauphins reviennent à nouveau, ils sont en folie et je sens que la baleine rode, non loin... En effet, j'entends pendant un long moment encore son jet d'air à la surface mais je ne parviens pas à la localiser dans la nuit noire, troublée par les cabrioles des dauphins !

Quelle émotion intense pour moi, impossible de trouver le sommeil après ça, je laisse donc les garçons se reposer au maximum pendant que j'assiste au lever de soleil sur une mer d'huile, là sur mon bateau au milieu de l'Océan peuplé d'êtres mystérieux et impressionnants...

Navigation sous spi, on s'occupe comme on peut !
Navigation sous spi, on s'occupe comme on peut !
Navigation sous spi, on s'occupe comme on peut !
Navigation sous spi, on s'occupe comme on peut !
Navigation sous spi, on s'occupe comme on peut !

Navigation sous spi, on s'occupe comme on peut !

Vendredi 13 février 2015

Voilà désormais une semaine qu’Iti Manawa et son équipage parcourent l’Océan Atlantique, sans terre en vue, baignant dans l’immensité bleue sans fin… Les jours se suivent, se ressemblent un peu et renforcent notre fatigue et notre envie de siroter un Ti Punch sous cocotiers, de dormir une nuit entière d’un vrai sommeil de bébé. La dépression que nous essayons de fuir depuis notre départ nous a amené à effectuer un gros détour, rallongeant de presque 400 milles notre parcours. Nous avons longé les côtes Africaines, non loin de la Mauritanie, nous y avons croisé de nombreux cargos suivants leur « rail ». Un soir, au loin, des lumières, non pas celles de la ville ou d’un orage, on aurait dit des sortes de « bombardements »… Nous n’étions pas rassurés car l’actualité dans le Nord de la Mauritanie s’avère plutôt mouvementée et retentissantes de nombreux crimes… Hâte de fuir ces pays vers des contrées plus accueillantes…

Le vent faiblissant toujours, Lionel et Pascal décident de hisser le spi, un peu avant midi. Il fait beau, je me lève à peine, et Lionel vient m’aider à préparer le repas de midi, des pâtes, pour changer un peu… Alors que nous nous trouvons « en cuisine » et Pascal à la barre, le bateau fait tout à coup une embardée monstrueuse. Lionel se précipite sur le pont redoutant le pire, et là il découvre avec effroi le spi gonflé à l’envers, c’est-à-dire contre les barres de flèches.. Lionel court à l’étrave pour descendre la fameuse chaussette et ainsi fermer le spi… Mais tout est emmêlé, des bouts partout, le bateau avance toujours car la grand voile est haute. La tension est à son comble, le pauvre Pascal tente une manœuvre à la barre mais nous risquons l’empannage violent et le spi n’est toujours pas affalé. Lionel nous crie d’allumer le moteur, je me précipite à la barre car nous n’avons pas montré à Pascal comment le démarrer. Et là en tournant la clé, rien ne se passe, la série continue… Les batteries, Lionel les a coupé, je me précipite dans la cabine arrière pour les activer et Pascal peut enfin démarrer le moteur, malgré la marche arrière enclenchée… Nous parvenons à terminer d’affaler la spi, la tension est à son maximum, des écoutes partout, le risque d’empannage toujours présent mais pas de casse et on rétablit le navire dans la bonne direction, sous grand-voile seule. Lionel m’avoue avoir eu très peur, on ne pensait même pas qu’une telle situation puisse se produire, un spi gonflé à l’envers, les dommages auraient pu être bien pu terribles mais une petite faute de barre et tout bascule, c’est le départ au lof (une embardée violente face vent sans qu’on puisse le contrôler), Iti Manawa ne pardonne pas, il est ardent et vif ! Pascal est tout désolé, il a les réflexes de son bateau à barre franche, avec une barre à roue, la manipulation est inverse !

Pas grave, nous enclenchons le pilote automatique et allons manger nos pâtes bien trop cuites mais ça c’est beaucoup moins grave ! Alors que nous avalons goulûment notre repas, encore sous le choc de l’émotion, soudain, un appel radio retentit en français. Sur le coup, je suis la seule à y prêter attention mais lorsque je comprends qu’on appelle un voilier, nous écoutons alors attentivement le deuxième appel, c’est bien de nous qu’il s’agit, pourtant pas de bateau visible sur l’écran.

On sort précipitamment et là, surprise un navire de guerre de la marine nationale à quelques mètres de nous ! Lionel prend la communication, l’officier nous demande quelles sont nos intentions, d’où venons nous, notre direction et si tout va bien. Nous échangeons quelques mots sympathiques (et devons épeler le nom de notre bateau en alphabet international !) puis Lionel leur demande s’ils peuvent se rapprocher afin de les filmer pour notre blog ! Ils acceptent avec plaisir, ils sont dans la boîte ! Mais nous leur demandons si leur présence est normale dans les parages, si à terre, en Mauritanie justement, nous devons nous inquiéter d’une quelconque attaque de pirates ou pire, de bombardements militaires… L’homme nous assure qu’ils veillent, normalement, exercice de routine. On est dubitatifs quand même… doute qui sera confirmé par la présence d’un deuxième bateau militaire français dans l’après-midi. Il est vraiment temps de sortir de la zone !

Notre cap nous amène très proche des îles du CapVert, on aurait aimé faire plus que juste passer au large mais notre destination finale c’est la Martinique où Maria, la femme de Pascal nous rejoint dans moins de trois semaines ! Le vent faiblit, ça commence à faire long et surtout à faire un sacré détour !

On parvient à profiter de quelques rayons de soleil pour effectuer un brin de toilette, ça rafraîchit mais ça fait du bien de se sentir « propres ». Petite lessive puis il faut préparer à manger, le bateau roule pas mal, c’est assez désagréable à l’intérieur, surtout pour cuisiner. J’entreprends de faire cuire des pois chiches mais la cocotte est mal fermée et toute l’eau déborde sur le gaz, et les pois chiches explosent ! Pascal me propose de faire du humous du coup ! il se lance dans la préparation quand soudain, un coup de gîte plus fort que les autres le déséquilibre et je vois Pascal partir dans une embardée avec le plat de purée de chiches, s’envoler à travers le carré et maculant tous les fauteuils et le sol au passage ! Plus de peur que de mal pour ce départ au lof de Pascal et sa purée de pois chiches, qui finira par-dessus bord, décidément, c’était pas le jour de manger des pois chiches !! On en gardera un bon souvenir (le pont et les coussins aussi, on en a trainé partout !).

Nous faisons le point régulièrement, à la fois sur notre livre de bord, et également sur une carte papier. Cela fait quelques jours que Lionel semble dubitatif sur le cap indiqué par le GPS, presque 20 degré d’écart par rapport à la carte papier. D’après elle, nous devrions faire cap au 260° alors que le GPS nous indique la Martnique au 280°. Je potasse la notice du GPS, en vain, c’est incompréhensible un tel décalage, nous sommes un peu inquiets tout de même, un écart de 20° nous amènerait au Vénézuéla ! On allume le deuxième GPS qui nous donne encore un autre cap !! Puis je me remémore mes lectures de « préparation » et je pense soudain à cette histoire de cap « magnétique ». Il faut en effet, rectifier de un degré par an le Nord des cartes papiers à cause de la déclinaison magnétique entre le Nord réel et le Nord magnétique des compas.

Puis le temps tourne, à cause de cette fameuse dépression… après pétole, c’est à présent les orages que nous redoutons. On les voit frapper au loin, on en mène pas large surtout que la nuit se profile et que le ciel se charge de plus en plus…

Nous sommes toujours sous grand voile et génois plein et nous avançons à vive allure afin de « compenser » le temps perdu ces derniers jours. Lionel prend le premier quart alors que la nuit est noire comme jamais nous ne l’avions encore vue. Le bateau fuse, nous tentons de trouver le sommeil avec Pascal mais le vent monte inexorablement et je sens le bateau s’emballer un peu trop. Je passe une tête et propose à Lionel de réduire, à l’intérieur c’est intenable entre le bruit et les embardées incessantes. J’appelle Pascal à la rescousse, il n’a pas dormi non plus et nous entreprenons d’affaler la grand voile sous plus de trente nœuds de vent.

Nous avons déjà effectué la manœuvre à plusieurs reprises avec Lionel, mais cette fois, le génois est tangoné et nous décidons de ne pas l’enrouler totalement afin de garder le bateau manœuvrant durant l’opération. Lionel est à la barre, Pascal se rend au pied de mât dans cette nuit si dense et cette mer si tourmentée, alors que je suis au piano.

Lionel dirige le bateau au près afin de faciliter l’affalement de la grand voile et là, contre toute attente, le génois se gonfle alors à l’envers, à cause du tangon ! Pascal s’agrippe alors autour du mât pendant que Lionel remet le bateau au largue pour que le génois prenne sa forme « normale ». Je suis absolument terrorisée, et sans aucun repère du noir juste du noir tout autour de nous, seule la lumière de pont et nos frontales. Je donnerai tout pour être ailleurs qu’ici à ce moment là mais la nuit est loin d’être finie…

Nous commençons à affaler la grand voile mais cette dernière se bloque soudain dans les lazy jack, impossible de la descendre ou de la monter… Pascal tire de toutes ses forces et soudain le bout du lazy jack cède et la grand voile peut enfin se réduire. Mais impossible de refermer le sac de la grand voile sans ce bout de corde qui le maintient ouvert et en hauteur.

Lionel nous annonce qu’il faut qu’il monte au mât afin de repasser la corde dans sa poulie, on ne peut pas laisser la voile à moitié en vrac sur le pont… Il enfile son baudrier et nous le hissons jusqu’aux deuxièmes barres de flèches (environ douze mètres). Mon pauvre homme est perché là haut alors que l’orage s’amène et que le vent nous fouette dans cette nuit lugubre, c’est un vrai cauchemar !!! J’aperçois soudain un oiseau au ventre blanc qui nous survole, manquerait plus qu’on touche terre (pas impossible avec cette histoire de nord magnétique).

C’est bon, le bout est logé dans sa poulie, Lionel redescend mais la drisse se bloque alors dans le taquet et je le vois s’écarter en dehors des haubans, il saisit au vol l’un des câbles métalliques et se rapproche du mât à nouveau. La manœuvre prend fin, je suis en larmes tant l’émotion est intense et là, je me prends soudain une vague sur la tête, c’en est trop, si j’avais su, j’aurais pas venu !!!

Pascal prend le quart suivant mais l’ambiance est pesante et les nuages remplissent toujours le ciel. Impossible de trouver le sommeil et soudain, on sent le bateau partir en embardée et l’éolienne s’emballer. On se précipite sur le pont et Pascal nous annonce qu’il tente d’échapper à un grain depuis un moment… Nous sommes à l’arrière du grain, d’où le vent si fort. Il nous faut impérativement retirer le tangon et réduire le génois au maximum.

On se rhabille en hâte, Lionel file à l’étrave et nous voilà donc à présent sous génois enroulé au ¾ . La nuit n’en finit plus, nous sommes tous trois épuisés et on ne souhaite qu’une chose, jeter l’ancre et dormir !!!

Le temps se gâte...Le temps se gâte...Le temps se gâte...
Le temps se gâte...Le temps se gâte...
Le temps se gâte...Le temps se gâte...
Le temps se gâte...Le temps se gâte...

Le temps se gâte...

17 février 2015

Ah les Alizés, les fameux alizés… soi disant tranquilles, doux et portant jusqu’aux Caraïbes… et bien encore une fois, notre retard en partie dû à cause de l’attente de notre portique (merci Acti) nous a mené au plus fort des Alizés. En effet, voilà désormais bientôt une semaine que nous subissons du vent entre 20 et 30 nœuds, de jour comme de nuit et surtout que la mer se déchaîne… Des creux de plus de 4 mètres, une mer hâchée et de petites déferlantes sont au programme rendant la navigation « sportive » et surtout très éreintante…

Nous sommes tous les trois surpris, nous avions fait le stock de bouquins, nous pensions passer du temps à papoter, à pêcher et bien non, au lieu de ça nous « subissons » ces conditions « extrêmes ». Impossible de laisser barrer le pilote automatique, la mer est trop forte, il fait des embardées à gogo et c’est ingérable et surtout nous ne voulons pas le griller.

Nous enchaînons donc les quarts, de jour comme de nuit. Tenir la barre relève parfois de l’exploit et seul Lionel est parfois capable de gérer le bateau à cette grande vitesse.

La vie à l’intérieur tente de s’organiser mais tout relève du challenge, tout n’est qu'équilibre permanent, en oscillation constante à des degrés parfois phénoménaux. Pas facile de faire à manger dans ces conditions, surtout que nous avions fait des réserves pour 15 gros jours et non pas 20 ! Nous manquons de pain, et nos repas se résument à du riz et des pates agrémentés de sauces diverses…

Nous avons mangé tous les fruits, les légumes frais et il ne reste que quelques yaourt. Les stocks de lait s’avèrent insuffisants et de toute manière, tenter de faire des gratins ou des béchamels devient vite mission impossible! Les garçons m’entendent jurer lorsque les ustensiles se renversent dans la cuisine ou que je me brûle avec un plat ! Et dire qu’il reste encore 8,5 jours et que nous sommes à peine un peu avant le milieu de l’Atlantique…

De mon côté, le moral est en dents de scie, plus souvent dans la partie basse, je pleure beaucoup à cause de la fatigue accumulée et des conditions inattendues que nous sommes en train de vivre. La mer déchainée me terrorise, je n’imaginais pas des creux de plus de 4 mètres. Je me dis qu’à peine quelques centimètres de coque me séparent des « plaines abyssales de l’Atlantique »… Que nous sommes à mi chemin entre deux terres et que si nous subissons une avarie, personne ne viendra nous chercher rapidement, surtout que nous ne croisons personne, pas un bateau à plusieurs milles aux alentours, c’est juste extrêmement angoissant.

Lionel tente de me rassurer même si lui aussi est bien conscient de tout ça et qu’il est bien désolé que notre périple se transforme en véritable exploit où le plaisir n’a plus sa place, nous sommes en train de relever un véritable challenge, on en demandait pas tant. On remet tout en question, on aurait du partir l’an prochain, pourquoi avons-nous quitté nos familles, mes parents me manquent trop, j’ai besoin de mes amis, et les chevaux dans tout ça ??

Bref, j’en ai tellement assez qu’une fois arrivés, j’ai juste envie qu’on vende ce satané bateau et repartir dans une vie peut être moins trépidante mais sécurisante… On comptait tellement sur la douceur de ces alizés, mais il aurait fallu partir en décembre pour en bénéficier, et nous en décembre on fêtait notre pot de départ et on affrontait nos coups de vent méditerranéens… On fait tout à l’envers, on a l’impression de courir après le temps et d’avoir raté le coche. Je donnerais tout pour me trouver ailleurs que sur ce bateau à cet instant présent, on me paierait que je refuserais de revivre cette expérience… voilà que le vent repart de plus belle rendant l’écriture quasi impossible, à devoir se cramponner comme on peut !

L'Atlantique...L'Atlantique...
L'Atlantique...L'Atlantique...
L'Atlantique...L'Atlantique...L'Atlantique...

L'Atlantique...

18 février 2015

30 nœuds depuis bientôt 24 heures, houle de plus de 4 mètres, mer très forte…

L’océan : du bleu glacis au bleu roi, écrêté par des moutons blancs d’écume, strié, agité, perturbé, soulevé tels des millions de dômes liquides, des tourbillons bouillonnants bleu turquoise, de la mousse blanche telle des écailles de tortues, des vaguelettes sur des monstres aux dents acérées s’abattant inlassablement, nuit et jour sur notre bateau… dans un vrombissement puissant, claquant sur notre coque tels des coups de poings dans un punchingball ball comme si la mer voulait nous punir et s’acharner sur nous, comme si nous étions des étrangers et que nous osions fouler ce territoire sauvage lui appartenant… Elle nous crache son venin comme pour s’assurer et marquer qu’elle est bien en territoire conquis….

Son complice, le vent, sans qui elle ne pourrait revêtir ce masque de violence et de puissance monstrueux, la pousse, l’aide à se soulever, à monter en intensité et prendre de l’ampleur, sur l’autoroute des alizés où aucun obstacle ne vient stopper cette course effrénée lancée sur une autoroute de 2000 kilomètres où les éléments font leur loi et imposent leur suprématie aux pauvres petits humains qui pénétrons leur périmètre, sans aucune possibilité de repli. Ce vent qui nous hurle aux oreilles, sifflant dans les haubans de notre bateau, de connivence avec les vrombissements ininterrompus de la mer, nous abasourdit, nous assomme.

Eole et Poséidon réunis malmènent Iti Manawa dans un mouvement de roulis démesuré, le bateau oscille en permanence, couché par les vagues qu’il tente de braver vaillamment mais contre lesquelles il se heurte durement et subit leur violence.

Barrer dans ces conditions requiert un niveau de concentration extrême, doublée d’une grande vigilance pour éviter de se faire piéger. A l’intérieur, chaque mouvement, chaque déplacement, chaque action, même les plus simples prennent tournure d’équilibriste et demandent un réel effort de compensation, il est impératif de se cramponner sous peine de se retrouver projeté en travers du bateau .

Tous les ustensiles se cognent à l’intérieur des placards renforçant le brouhaha permanent. Les boiseries craquent, se tordant de douleur sous les à-coups répétés et les tensions permanentes subies par le bateau. Le temps de sommeil se compte en minutes, une récupération physique et mentale quasi-impossible à cause des violents coups de gîte qui nous baladent et nous plaquent dans nos couchettes avec violence.

Nos corps sont épuisés, nos esprits embués et nous devons lutter pour entreprendre chaque action du quotidien. Nous essayons de rester soudés et de trouver une organisation optimale afin de réduire au maximum ce « supplice », cette prouesse pour les piètres marins de l’étang de Berre que nous sommes.

Lionel prend donc la barre dès le lever du soleil, il commence avec le génois seul tangoné puis, selon les conditions, nous gréons parfois l’ORC (un génois d’une surface inférieure au génois sur enrouleur) sur l’étai largable. Ainsi, nous augmentons la vitesse du bateau et gagnons un peu en stabilité. Surtout, cela nous épargne de hisser la grand voile, trop dangereux dans ces conditions.

Puis nous déjeunons vers 13H30, à l’extérieur, les garçons se relayant à la barre pour manger à tour de rôle. Pascal part faire une sieste récupératrice puis barre à son tour jusqu’au repas du soir, si les conditions le permettent.

A la tombée du jour, nous réduisons les voiles, en enroulant un bout de génois. Lionel et Pascal mangent à tour de rôle, puis Lionel se prépare pour le premier quart de nuit. Pascal se couche jusqu’à minuit. A son tour de prendre la barre pour trois heures dans la nuit épaisse et angoissante. A trois heures, c’est mon tour. J’enclenche le pilote, trop impressionnée pour barrer dans ces conditions et rester seule avec pour seule compagnie le vent et la mer (et les poissons volants !) Tous les quarts d’heure, je fais un tour d’horizon, postée dans la descente, j’inspecte si aucun navire pointe son étrave, si les voiles sont toujours bien en place et surtout j’osculte l’anémomètre un long moment pour savoir à combien souffle le vent (même si désormais, je sais à peu près deviner sa force rien qu’au bruit et aux mouvements du bateau), puis je fais un point au GPS et je me replonge dans mon bouquin ou j’essaie de dormir par quart d’heure.

Puis c’est de nouveau au tour de Pascal de prendre le dernier quart. Nous avons décidé de cette organisation afin d’optimiser les performances du bateau la journée, de parcourir le plus de miles possible, toutes voiles dehors et de réduire un peu la nuit, sans pour autant stopper. Et ce pendant encore une semaine… Trop longue, interminable…

Samedi 21 février 2015

L'attente de cette « prison » flottante se poursuit... c'est un comble, se retrouver au milieu de l'Océan, perdre son regard dans l'immensité bleue de la mer tourmentée et se sentir emprisonné dans cette petite coquille de noix qui n'est rien et qui pourtant nous porte jusque de l'autre côté de cet interminable Océan... Le vent souffle à plus de 30 nœuds depuis plus de trois jours, la mer est sauvage, revêche et n'en finit pas de se soulever, de gronder et de s'abattre inlassablement sur notre bateau et son équipage rendant notre périple insupportable...

Il y a trois jours, ou deux, je ne sais plus, le vent redoublait d'ardeur, soulevant avec lui des paquets de mer déchaînés. Lionel tentait de se reposer en bas alors que je tenais compagnie à Pascal, à la barre. Soudain, un énorme bruit sourd retentit sous la coque... On vient de heurter quelque chose, nous pensons reconnaître un énorme poisson lune qui pointe une de ses nageoires à la surface... Tout de suite, Lionel part inspecter le safran, le bruit fut impressionnant mais sans conséquence, plus de peur que de mal...

C'est un comble, dans cette immensité liquide, que cet animal vienne percuter notre coque ! Ça aurait pu être un contener ou une énorme baleine, les conséquences auraient pu être dramatiques... L'angoisse me glisse lentement le long du dos, j'essaie de la réfrêner tant bien que mal mais la tension est palpable... Les vagues pourtant déjà énormes continuent de croître au fil de la journée, aidées par l'ardeur du vent.

Puis soudain, nous réalisons que nous traversons une zone de haut fonds, les vagues tout à coup se creusent et déferlent, l'eau tourbillonne et les houles se croisent, les vagues surgissent de tous les côtés, un vrai labyrinthe tortueux sur lequel Lionel tente de slalomer.

Nous sommes réfugiés à l'intérieur avec Pascal afin d'éviter d'être aspergés quand, soudain, le bateau se couche violemment plaqué par une énorme vague déferlante. Assise dans le carré, je suis projetée en face, récupérée in extremis par Pascal qui m'évite de m'écraser sur la table à carte. Tout vole à l'intérieur du bateau et les hublots babords sont plongés dans l'eau pendant un moment qui me semble une éternité.

Je ne comprends pas de suite ce qu'il vient de se passer, Lionel, détrempé, est toujours à la barre, nous annonce que nous venons de nous faire plaquer par une énorme vague déferlante et qu'il n'a rien pu faire. Je suis terrorisée, angoissée, tétanisée, les mots me manquent pour exprimer toute la peur que j'ai ressenti à ce moment là, j'ai redouté de perdre ma vie, de ne jamais plus revoir mes parents, de ne jamais connaître la joie d'avoir des enfants, une famille, des bonheurs simples soudain balayés par une simple vague emportant tout sur son passage, nos vies avec...

Une réelle terreur m'empara contre laquelle je ne pus plus lutter, Pascal tenta de me rassurer au mieux mais je me sentais vide à l'intérieur et si terriblement en danger, une peur panique que je ne parvenais plus à maîtriser, je voulais juste une chose « revoir mes parents et fonder une famille à mon tour ».

Au moment où Pascal tentait désespérement de me rassurer sur la situation et de me garantir que mon bateau était solide, que ce n'était rien de grave, une forte vague frappa le bateau et Pascal perd l'équilibre, emmenant dans sa chute la table du salon... pas si costaud mon bateau...

Nous voici donc à éponger l'eau engouffrée à l'intérieur et tenter de trouver une solution avec cette table gisant désormais à la verticale... Dans mon fort intérieur je pensais « voilà, le début de la fin, notre descente aux enfers commence ici, nous allons périr tous les trois dans cet immense océan... notre rêve nous a poussé dans les abîmes de l'océan et prend fin ici, après seulement deux mois »

Je tremblais de tous mes membres et je décidais d'envoyer un sms à Jackie pour lui indiquer notre position avant la nuit, de lui décrire notre situation périlleuse avant de sombrer dans la pénombre lugubre et inquiétante. Une réponse immédiate comme quoi il était à l'écoute et nous aimait fort... Mais pourquoi on en arrive là ?? pourquoi faire subir autant de souci à nos pauvres parents, on n'a pas le droit, on a qu'une famille, qui nous aime et nous soutient, on ne peut pas leur imposer autant de stress, on ne peut pas les quitter et les laisser, ils nous ont tout donné, éduqué, chéri et on les abandonne lâchement pour aller vivre notre rêve suicidaire-.

Lionel enclenche le pilote automatique et nous rejoint à l'intérieur, lui aussi a eu très peur dehors en voyant cette vague s'abattre sur nous. La priorité est de réparer cette table qui gît au milieu du carré. Les garçons s'attèlent à la tâche et trouvent une solution satisfaisante. Nous décidons d'abdiquer devant cette mer ravagée et de nous serrer les coudes devant un bon repas pris tous ensemble sur notre table solide, nous laissons donc la barre au pilote automatique après avoir considérablement réduit la voilure.

Ce soir, personne sur le pont décréta le capitaine, trop dangereux de laisser l'un d'entre nous aux affres de l'Océan. Le pilote sera enclenché pour la nuit et nous veillerons simplement en faisant des points réguliers afin d'éviter de nouveaux hauts fonds. Impossible pour moi de trouver un peu de répit tant l'angoisse me submerge.

J'explique à Lionel que le projet ne pourra pas continuer, l'océan provoque en moi une terreur démesurée et ingérable, depuis le début je ne ressens que stress et panique, je n'ai éprouvé quasiment aucun plaisir à la navigation, une navigation trop extrême, entre le froid et les conditions déchaînées, je ne peux pas envisager une vie placée sous le signe de l'insécurité permanente, je ne souhaite pas que ma famille subisse cette vie. Je sais que la vie en bateau ce n'est pas ça normalement, mais cet aspect en fait partie et à moi, il me semble insurmontable. Impensable de naviguer alors sur le Pacifique, dans des immensités encore plus démesurées, il va falloir revoir notre projet de vie... Lionel aurait tant souhaité ne jamais avoir à vivre cette situation non plus...

Et depuis trois jours, nous subissons ces conditions de navigation extrêmes. La nuit, personne sur le pont et la journée, gilet obligatoire dehors. Barrer s'avère éreintant et les garçons se relaient vaillamment. Ils gardent leur bonne humeur et leur positivisme, je n'en dirais pas autant de moi... à l'intérieur, tout déplacement relève du challenge, mais nous réussissons malgré tout à fabriquer notre pain ! Il le faut, encore 5 jours de navigation et les stocks baissent, inévitablement et cuisiner s'avère impossible de toutes façons dans ces conditions ! Vivement que l'on jette l'ancre, nous sommes à bout !

La vie à bord s'organise... Voici nos premiers poissons volants (beurk!), fabrication du pain et rafistolage de la table !
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22 février 2015

La violence, voilà ce qui me choque le plus dans cette rencontre avec la Mer, l’Océan. Je les pensais doux, voluptueux, harmonieux, arrondis, au lieu de ça, depuis le départ je ne suis confrontée qu’à leur visage tempétueux et tourmenté. Je sais, ça pourrait être bien pire, j’ai lu des récits de Moitessier où il passe le Cap Horn à l’envers subissant des vents de plus de 50 nœuds, des témoignages de navigateurs qui ont démâté en pleine traversée, mais là, ça fait beaucoup pour une première confrontation avec l’élément, loin de moi l’idée de me mesurer à des Tabarly ou des Autisser. Non, j’aurais juste souhaité une rencontre plus douce et plus prometteuse. Au lieu de ça, la mer, elle me dégoûte.

Nous vivons telles des bêtes depuis plus de 15 jours sur nos quelques mètres carrés en mouvement perpétuel. Notre vie se résume à manger, dormir, barrer sans cesse chahutés par les mouvements de l’océan. Tout déplacement devient vite pénible, nous sommes plaqués contre les parois du bateau avec une rare violence.

La nuit, trouver un sommeil réparateur relève d’un véritable défi puisque nous sommes incessamment trimbalés d’un côté à l’autre de notre couchette. J’ai bien tenté d’investir les coussins du salon mais parfois, une vague plus forte me fait basculer du canapé. Nuit et jour, les contenus des placards s’entrechoquent, les vagues ronronnent imperturbables, le vent hurle dans nos oreilles, le bateau craque et se tort de toutes parts comme s’il criait de douleur.

La fatigue et la peur me rendent dingue, je souhaiterais juste du calme et de l’apaisement, juste quelques minutes car nous n’avons pas eu un seul moment de repit depuis ces 15 derniers jours. Cette violence et cette révolte permanente des éléments me choquent et me dégoutent du projet. Je ne peux pas concevoir de vivre dans ce tumulte perpétuel d’agressivité, partout autour de moi. Si je trouvais les volcans de Nouvelle Zélande majestueux, respectueux et grandioses bien que dangereux, je ne peux pas en dire autant de l’élément marin qui s’impose à nous avec trop d’impétuosité, il ne nous laisse pas le choix, nous subissons ses affres sans que je n’en retire un quelconque plaisir.

Non je ne suis pas une navigatrice dans l’âme, la mer ne m’a jamais passionnée même si je l’ai toujours respectée et admirée. Le voilier me semblait être la plus belle manière de découvrir des contrées, des peuples reculés et et qui ont tout à nous apprendre. Un mode de vie et de transport écologique et original moins invasif que les moyens classiques, et surtout nous offrant une grande liberté. Mais là, c’est le comble, de cette liberté nous aboutissons à une vie emprisonnée : la mer nous dicte et nous impose sa loi, elle nous enferme dans un mode de vie avilissant et primitif, qui s’apparente à de la survie, je nous compare à des animaux en cage… La liberté tout autour qui nous fait rêver et à laquelle nous aspirons tellement, et nous, pauvres terriens, cloisonnés sur notre bateau tentant de braver cet Océan, réduits à de triste esclaves d’Eole et de Poséidon… La Nature impose sa Loi, elle est maîtresse de son territoire et reprend ses droits sans se soucier le moins du monde des parasites qui tentent de pénétrer ses secrets et de goûter un peu à sa liberté…

L'Atlantique, déchaîné...
L'Atlantique, déchaîné...L'Atlantique, déchaîné...
L'Atlantique, déchaîné...

L'Atlantique, déchaîné...

26 février 2015

Voilà, nous vivons les dernières heures de notre première « transatlantique »… Pour ma part, c’est avec un immense soulagement que je vois défiler les derniers milles qui séparent encore de La Martinique. En effet, cette traversée aura été synonyme pour moi de « peur », à tel point que j’en ai mal aux machoires !

Malgré ces trois semaines passées sur l’eau, je ne suis toujours pas en symbiose avec l’élément, bien au contraire. Les vents forts et la mer agitée qui ont porté notre bateau n’ont fait que renforcer un sentiment sous jacent que j’avais en moi et que je pensais surmonter grâce à ce périple. J’aurais souhaiter découvrir un aspect plus calme et harmonieux de l’élément, j’aurais aimé tomber d’admiration devant la beauté de cet Océan. Mais pour moi il est encore obscur et monocorde, rébarbatif… à part du bleu et de l’écume, des vagues de toutes les formes et de toutes les tailles, je n’ai pu constater aucune vie (d’ailleurs, nous n’avons croisé seulement des poissons volants !)

La mer s’anime mais c’est seulement grâce à l’effet du vent… à aucun moment je n’ai ressenti la Beauté de l’élément, à aucun moment je suis restée bouche bée devant tant de splendeur, à l’inverse de ce que j’avais connu en Nouvelle Zélande par exemple où à chaque détour d’un chemin, la Nature me laissait pantoise d’admiration et de respect devant cette vie qui l’animait et la rendait unique, superbe et resplendissante. Mes yeux semblaient se perdre et ne jamais se lasser devant ces paysages grandioses, alors que sur l’eau, une certaine lassitude s’est emparée de moi.

Ce qui m’a le plus surprise, en dehors de cette violence inouïe que la mer m’a fait personnellement subir, simplement en m’empêchant de dormir ou de cuisiner à cause du fort roulis permanent occasionnant contusions et énervement, c’est surtout ce sentiment d’emprisonnement et de repli sur soi même qui a prédominé. En effet, à aucun moment je n’ai ressenti le fameux sentiment de liberté qui m’a poussé à faire le choix d’une vie en bateau.

Je pensais en effet vivre pleinement « la liberté » en étant sur l’eau mais au lieu de ça, je me suis sentie vulnérable, soumise et cloisonnée. En effet, la mer et le vent dictent le jeu, imposent leur cadence et nous rendent dépendants de leur volonté, rendant par exemple impossible d’accoster à certains endroits à cause de la houle ou du vent trop fort ou nous interdisant des gestes de la vie quotidienne (ou au prix d’inombrables efforts). Ces trois semaines m’ont donné l’impression qu’on m’avait privé de ma liberté d’action…

Les possibilités d’interaction limitées entre individus m’ont également énormément frustrées. En effet, ce voyage était synonyme de rencontres avec les populations, de découvertes de nouvelles cultures ou modes de vie, basés sur l’échange et la communication, des valeurs essentielles contribuant à notre enrichissement personnel permanent, tout ça bien sûr à la condition indispensable de la liberté d’action…

Tous ces sentiments remettent bien sûr en cause notre projet qu’il va falloir élaborer et étayer d’avantage afin que chacun d’entre nous puisse trouver bonheur et satisfaction de ce périple.

Je pense qu’il est important également que Lionel et Pascal émettent leur point de vue et leur ressenti sur ces trois dernières semaines car chacun a eu une manière bien à lui d’appréhender les choses même si la conclusion générale c’est la longueur du parcours et les conditions inattendues les ont remplies.

L'Océan et ses déferlantes ! Ptite cession de kite surf pour Lionel en plein Atlantique ! Challenge relevé !L'Océan et ses déferlantes ! Ptite cession de kite surf pour Lionel en plein Atlantique ! Challenge relevé !L'Océan et ses déferlantes ! Ptite cession de kite surf pour Lionel en plein Atlantique ! Challenge relevé !
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M
ouhaaa quel recit ! <br /> Ce qui ne tue pas rend plus fort ... vous voila en Titane !<br /> Bravo et bonne continuation
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E
Je l'avoue Marc, le récit est très ''dramatique'' mais j'avais besoin d''exterioriser''. Maintenant, c'est du passé, on profite bien des Antilles !
A
On frissonne , on vibre . . . .<br /> J' avale tes mots , tes phrases , je me voyais vivre cette traversée avec vous .<br /> Félicitations , en dehors de la performance physique et morale de la traversée , pour la façon de la décrire et l' écrire .<br /> Maintenant que vous voilà au soleil et à quai , refait toi une santé pour continuer à nous faire vibrer<br /> A bientôt de continuer à te lire
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E
et oui Alain, une transat ''sportive'' et il fallait que j'extériorise par les mots, j'avais pas d'autres choix ! Désormais, je l'avoue, j'écris un peu moins mais je m'enrichis tellement grâce aux innombrables rencontres que nous faisons au gré des escales, ça valait le coup ! à très bientôt pour la suite des aventures !
Y
content de vous savoir bien arrivés. Heureusement j'avais quelques news par Jackie. Félicitation, le pire est fait, le meilleur reste à vivre ! Yoann
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E
ti punch, bananes flambées, cocotiers, soleil... ça y'est on vit le meilleur, la vraie vie quoi !! enfin !! bisous yo
B
je partais pour survoler la traversée .. je n ai pas raté un mot !! superbe histoire qui m'a scotché.. je ne te connais pas mais juste bravo ... j'ai frissonné ..j'ai failli faire la traversée en décembre ...lio aussi bravo et biz ma caille :)
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E
Le capitaine et son ''second' ont vraiment assuré j'avoue ! c'est une expérience à vivre ! au plaisir de te rencontrer, de l'autre côté de l'Atlantique alors ? ;-) Vive le fun. Lio et Emme
P
Wahou
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E
ça glisse !! :-)

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